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INTRODUCTION

se mêle, tantôt aux cris de guerre des siècles d’action, tantôt aux clameurs des siècles de progrès, tantôt au ronflement sensuel des siècles de prostration et de décadence.

Mais dans ces cohues il est toujours quelques esprits d’élite, dont la voix juste et pure fait dissonance avec la vocifération générale. Chant d’alouette dans un concert de sauterelles ; mélodie de rossignol dans une symphonie de crapauds. Ces esprits-là, ce sont les poètes. Poètes, — hommes divins, devins, prophètes.

Aux temps de guerre, ils chantent la paix. Aux temps de progrès, ils pleurent les âges d’or passés. Aux temps de décadence, ils célèbrent la vaillance et les exploits, l’honneur, le travail et les douces et les mâles vertus. Car les âmes des poètes, plus candides que les autres âmes, sont destinées par Dieu à faire tache blanche sur la sombre mêlée des générations. C’est pourquoi les générations qu’ils salissent