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LA MATIÈRE ET L’ÂME

Il vous faut du vin plein les coupes,
Et plein les lèvres des baisers,
Des yeux mourants, des seins, des croupes,
Et des abandons embrasés.
Quand un rayon du ciel se lève,
Vous n’en faites point votre rêve
Pour songer à qui l’envoya ;
Mais vous en prenez la lumière
Pour dorer la chaude paupière
Où votre regard se noya.

Bardes, vos plus vives images,
Vos tableaux savoureux et doux
Ne sont que d’éternels hommages
À l’argile, embelli par vous.
Sous votre main souvent heureuse
L’art a sa forme vigoureuse,
Le vers peint et sait gazouiller ;
Mais le foyer que je réclame ? —
Non, votre instrument n’a point d’âme…
Ou vous la laissez sommeiller.