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INTRODUCTION

Il faut résider sur les cimes pour ne s’occuper que de ciel, de lumière et de liberté. Dans les vallées, où le pur esprit se mêle à tant de choses viles de ce monde, il se souille toujours un peu.

De ce commerce illicite de la plupart des intelligences poétiques avec les hommes il est donc résulté une poésie bâtarde, même prosaïque — jusqu’à un certain point, — qui fleurit aujourd’hui plus qu’à aucune autre époque : poésie réaliste, — puisqu’on lui a donné cette épithète, — c’est-à-dire, anti-artistique, — quoi qu’elle prétende, — et qui cherche, par sa ressemblance avec la prose, à se faire pardonner de ses adeptes le rhythme et la rime — cette double musique de la pensée modulée en style. —

Ayant débuté par délaisser — non sans raison — la périphrase surannée, elle a continué et surenchéri en évitant l’idéal pour accaparer le matériel et l’absolu. En fuyant le souffle divin, elle s’est approprié l’esprit terrestre ; — autrement dit, en mordant à belles