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vertus aux crimes ; il n’en est pas qui ait savouré, au même degré, les éblouissements de la gloire, et plus cruellement subi les expiations de la défaite. (Applaudissements.)

Non, aucun temps n’a produit de plus grandes idées, de plus grandes passions, de plus grands caractères et de plus grands hommes. Saluons ceux qui furent les premiers — les plus grands peut-être — cette poignée de bourgeois sans prestige et sans nom, isolés et relégués dans un coin de Versailles : ils portent avec eux les destinées de la France et de la liberté. (Bravos et applaudissements.) Simplement, paisiblement, sans souci du péril qui est immense, sans songer au lendemain qui est obscur, ces bourgeois proclament la nation reine au milieu du palais des rois. (Vive adhésion. — Applaudissements répétés.)

Duel extraordinaire : d’un côté, tous les pouvoirs, et quels pouvoirs ? Un despotisme vieux de quatorze siècles, toutes les forces sociales organisées, tout ce qui contient le peuple, tout ce qui domine les âmes : clergé, noblesse, monarchie.

Et, de l’autre côté, l’idée désarmée et toute nue, la force morale sans escorte et sans armée. Et c’est la force organisée qui recule et qui, peu à peu, se dépouille, non sans douleur, mais presque sans combat ! Quel spectacle offert aux méditations de l’historien et quelle leçon, en cette fin de siècle, pour les désabusés et pour les sceptiques, que cette victoire de la force morale ; quelle démonstration de la part décisive qui appartient, dans l’évolution des