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gauche eux-mêmes se servent de ce mot de « pouvoir » quand ils parlent de l’Église, — oui, un pouvoir moral incontestable ? Est-ce que cela ne frappe pas les yeux ?

Il n’est guère d’usage de faire des citations dans un banquet ; mais je voudrais cependant remettre sous vos yeux quelques lignes d’un grand philosophe, qui n’était pas un clérical, j’imagine, qui était le plus libre de tous les libres-penseurs, M. Littré. Il y a un écrit de lui sous ce titre : le Catholicisme suivant le suffrage universel, qui renferme les observations les plus justes, les plus profondes, les plus pratiques sur l’état des esprits dans notre pays ; il faudrait vraiment le faire apprendre par cœur à tous les candidats à la députation. (Rires.) Je veux seulement vous en lire quelques lignes :

« Le catholicisme, a dit M. Littré en 1880, est la religion du plus grand nombre des Français, cela ne fait aucun doute. Quand on a déduit, d’une part, les protestants et les juifs, et, d’autre part, défalcation encore plus grande, les indifférents et les libres-penseurs, il reste une masse considérable qui emplit les églises, reçoit les sacrements depuis le baptême jusqu’à l’extrême-onction et serait sérieusement offensée, si on la gênait dans l’exercice de son culte. Ne pas reconnaître cette condition fondamentale, c’est se préparer, si l’on est philosophe, spéculant sur la marche des citoyens, de graves mécomptes théoriques, et si on est homme d’État prenant part au gouvernement, de non moins graves mécomptes politiques. » (Assentiment général.)