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des universités, des fondations particulières, à nous faire rentrer sous terre d’humiliation.

Comment subvient-on à de si grandes dépenses ? Voici le secret de ce budget. D’abord, dans tous les États nouveaux, le Congrès a décidé, il y a environ vingt ans, que le trente-sixième de la surface de chaque commune appartiendrait à l’école. Dans ce pays où la terre abonde, et où elle se divise géométriquement, chaque commune formant un carré, comprend environ six milles de superficie, soit deux de nos lieues carrées ; chaque carré communal est divisé en trente-six parties égales et l’une de ces parties appartient à l’école. Voilà la première source.

Seconde source : Il y a une quinzaine d’années, le budget de la république fédérale se trouva possesseur d’un excédent de 150 millions. Voilà de ces choses qui ne se rencontrent qu’en Amérique (applaudissements). La république américaine fut fort embarrassée, vous le comprenez : 150 millions de trop, dont on ne sait que faire ; elle n’hésita pas, elle les restitua aux États, en les priant seulement de les employer au chapitre de l’instruction publique.

Toutefois, d’après les calculs de M. Hippeau, ces deux ressources, si considérables qu’elles soient, ne représentent pas, pour l’année 1866, le onzième de la dépense totale de l’instruction publique : de telle sorte que le reste de cette dépense a été fait par des taxes locales, levées sur la propriété. Messieurs, il y a là un grand spectacle et un grand enseignement, et s’il en est ainsi, la situation de l’enseignement public en Amérique peut se résumer dans les termes suivants :

En Amérique, le riche paye l’instruction du pauvre. Et je me permets de trouver cela juste. (Applaudissements.)

Messieurs, il y a deux manières de comprendre, en ce monde, le droit de la richesse ; il y a celle du riche content de lui, qui s’étale dans son bien-être, et qui éclabousse le pauvre, en disant comme le pharisien de l’Évangile : « Mon Dieu, que je vous remercie de ne pas m’avoir fait naître parmi ces misérables ! » Celui-là est un satisfait ; il estime qu’il est dans son droit, et que personne au monde n’a rien à lui demander ; laissons-le s’épanouir dans sa tranquillité ; mais, sans mettre en question aucun principe social, disons que les âmes délicates se font une autre idée du devoir de la richesse. Celui-là