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savait pas toujours secouer, au milieu du monde, les préoccupations de sa pensée, ou se laissait absorber par les motifs d’observation qui se déroulaient devant lui. L’écrivain ne se répandait pas au dehors dans un but de distraction ; aller dans les salons était sa manière d’aller à la chasse au roman. Très souvent, le soir, il rentrait dans son logement, après avoir rempli les casiers de sa mémoire ; il rangeait ces documents humains en ordre, à l’aide de notes accompagnées de dates, de noms, afin qu’à un moment donné il n’eut qu’à mettre la main sur son travail pour l’achever.

Cependant l’auteur de la Comédie Humaine ne se montrait pas toujours dans le monde enveloppé de réserve, absorbé par le sentiment de l’observation. Le bruit, la causerie, l’éclat des lumières, la sensation du plaisir allumaient sa gaieté, mettaient en joie sa bonne humeur naturelle ; alors toute sa personne se redressait, sa voix sonore vibrait, sa pantomime retenait les regards, il devenait un causeur brillant, intéressant, amusant, déversant autour de lui les idées, l’esprit, avec une vraie abondance.

Plus tard, lorsqu’il eut écrit ses romans à succès, divers salons s’arrachèrent Balzac ; il alla souvent chez la princesse de Bagration, dont le salon fut célèbre, à la fin de la Bestauration et au commencement du règne de Louis-Philippe.

Il rencontrait chez la princesse un cercle de femmes aimables avec lesquelles il aimait à causer. Celles-ci