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NICAISE.

Je les ai vus !… J’allais, galopant à leur suite ;
Mais la foule et la nuit favorisent leur fuite !

TABARIN.

Partis ?… malheur sur vous, traîtres qui me jouez !

Il bondit hors du tonneau, puis tout à coup s’arrête et chancelle.
— Nicaise n° 1, et Mondor n° 3 le soutiennent.

Mais qu’ai-je donc ? au sol mes pieds restent cloués.
La force m’abandonne, et sous la douleur lâche,
Mon corps — comme rompu — se refuse à sa tâche. —
Faisant de vains efforts pour marcher.
— Ah ! courage !.. venez !.. viens !..
courons sur leurs pas !..

Rires.

… N’entends-je pas qu’on rit ?… Bon Dieu ! ne riez pas,
Messieurs !… c’est sérieux, et je souffre dans l’âme !

LE PEUPLE, riant.

À merveille !…

TABARIN.

À merveille !…Pardon !… on m’a volé ma femme,

Rires du public.

Je l’aimais en dépit de tout ; je suis jaloux,
Et je la veux !

LE PEUPLE.

Et je la veux !Bravo, Tabarin !

TABARIN.

Et je la veux ! Bravo, Tabarin !Taisez-vous !
Cette foule est stupide à rester là clouée !…

Le public s’étonne, et fait silence.

Eh ! la pièce est finie, et la farce est jouée…
Et ce que vous voyez n’est rien moins que plaisant.
Au nom du ciel ! mes bons messieurs, allez-vous-en !
… Allez !… puisqu’on vous dit que la pièce est finie !
Est-ce drôle de voir un homme à l’agonie,
Se frapper la poitrine et pleurer comme un veau ?

Le public se reprend à rire bruyamment.

— Dieu clément ! se peut-il qu’ils s’y trompent ?…