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Ce chapeau — comme moi descendu de haut lieu —
Fut fait expressément pour la tête d’un dieu !
Oui, d’un dieu, certe !… et si vous doutez de la chose,
Par la sambleu !… lisez Manéton et Bérose !
Quand Saturne — autrefois — descendit de l’Éther,
Fuyant, non sans raison, l’ire de Jupiter,
Ce dieu, voulant tenir sa disgrâce secrète,
Fit faire ce chapeau pour s’en couvrir la tête ;
À quoi doit mon chapeau sa gloire et sa vertu.
Il était, en ce temps, moins large et plus pointu ;
D’où les chapeaux pointus sont venus à la mode,
La forme haute étant absolument commode
Pour cacher sous la coiffe, et mieux qu’un chapeau rond,
Ce que certains maris ont planté sur le front.
— Ledit Saturne, avant que de quitter la terre,
Fit de son couvre-chef mon aïeul légataire.
Avec cette défense expresse de donner
Ledit chapeau, louer, troquer, aliéner,
Mais garder et porter, sous peine de disgrâce,
Comme une pièce rare et fatale à sa race.
Lors Tabarin premier s’en fit un appareil
Qui lui pût garantir son museau du soleil ;
D’où vint l’invention des parasols en France !
Tabarin… trente-neuf — soit par inadvertance,
Soit qu’il ne craignît point de se gâter la peau
Soit… pour quelque autre cause — égara le chapeau !…
— Ganymède le prit, et pour en avoir cure,
Jupiter, en présent, le remit à Mercure.
Mais ce dieu, certain jour que les vents étaient forts,
Ayant mis mal à point le feutre aux larges bords,
Et l’aquilon s’étant engouffré dans les ailes,
Fit une chute, avec des contusions telles,
Qu’il jura par le Styx, l’Averne et l’Achéron,
De ne plus se coiffer que de son chapeau rond !
Foin de l’autre ! — Voilà Janus qui le ramasse !
Mais Janus, ayant — comme il est dit — double face,