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En dussé-je mourir, j’ai besoin d’espérer.
Et quand ma lèvre, ardente à se désaltérer,
Se penche avidement vers la source qui chante,
Fais, conseiller maudit, taire ta voix méchante !
Respecte ce suprême appui des malheureux,
La croyance qui sauve !…
La croyance qui sauve !…Et toi, philtre amoureux,
Vous, sauvages enfants de la lande sauvage,
Simples aux sucs divins qui formez ce breuvage,
Grimoires de magie où Mondor s’est instruit,
Phébé — soleil de l’ombre, et reine de la nuit —
Qui, du haut de l’espace où quelque ange te pousse,
Prêtes aux enchanteurs ta clarté pâle et douce !
Vous-même, animaux chers aux sorciers, hiboux,
Loups-garous et chats noirs ! je vous adjure tous !
À ce philtre d’amour, ma dernière espérance,
Donnez cette vertu qu’en attend ma souffrance !
Cédez-lui ce pouvoir magique et merveilleux
Qui vous vient de l’enfer, peu m’importe ! ou des cieux !
Par vos enchantements terminez mon supplice !
Que sa colère tombe, et sa haine faiblisse !
Que son cœur aime enfin pour être tant aimé !
— Ouvrez-moi cet asile à ma douleur fermé,
Et me donnez ce bien suprême que j’envie :
L’amour plus précieux mille fois que la vie !…

Il débouche le flacon et va boire, puis se ravisant.

Ah bah ! moi, Tabarin ? quel diable me poussait !

Reprenant le flacon.

Eh bien, tant pis je bois ! pourquoi donc pas ?.. qui sait ?..

Il boit. — Mondor paraît sur le théâtre, et, le voyant boire, se frotte les mains comme s’il se réjouissait que Tabarin donnât comme tout autre dans ses boniments.