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On ne ramasse point l’outrage qu’on dédaigne !…
Je méprise le tien ! — Insulte ! frappe !

Elle marche sur lui.
TABARIN, prenant sa batte restée sur le petit théâtre au-dessus de la seconde table, et la levant.

Je méprise le tien ! — Insulte ! frappe !Eh ! bien…

FRANCISQUINE.

Ah ! c’est le naturel cette fois qui revient !
Sus ! haut la batte ! j’ai retrouvé mon doux maître !

TABARIN, jetant sa batte.

Francisquine !… Dis-moi que ton cœur n’est pas traître,
Dis-moi que j’étais ivre, et qu’il n’est rien de vrai
Dans ces choses ! je t’aime assez : je le croirai !…
— Mon Dieu ! je suis jaloux ! — chacun a sa folie —
Tu ne peux empêcher qu’on te trouve jolie ;
On te le dit, peut-être ! est-ce un grand mal ? — au fond,
Vous riez de la cour que les hommes vous font !
Cela distrait… on jase… on minaude… on caquette…
Quelle femme, de bien même, n’est pas coquette ?
On ne se damne pas pour un bout d’entretien
Qu’on écoute, distraite, et qui ne prouve rien ! —
Nous savons ce qu’en vaut l’aune, de ces harangues !
Les bourgeois du quartier sont de méchantes langues :
Pour quelques quolibets acharnés contre moi,
Des tours que je leur joue ils se vengent sur toi !
Mais rien n’est vrai ! je t’aime, et tu le sais, méchante !
Et, loin de provoquer l’antienne qu’on me chante,
Pour paîment de l’amour que te donne mon cœur,
Tu ne me voudrais pas couvrir de déshonneur !…
Et tandis que, selon le bien, tu te gouvernes,
C’est vrai que je vais trop souvent dans les tavernes !
Je suis faible… on m’entraîne aisément, et je bois !
Je bois trop… je me laisse aller !… mais reprends-moi…
Et ce ne sera pas, que je pense, un prodige
Si, pour l’amour de tes beaux yeux, je me corrige !
Foin des souci amers et des soupçons jaloux !