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Des bords de la Tamise aux rives de l’Euphrate,
Nul ne porta plus haut le drapeau d’Hippocrate ;
Et pour le beau langage et les propos fleuris.
Feu Cicéron ne fut qu’un pleutre à votre prix.
Mais là — sur nos tréteaux — son tremplin, — son empire,
Pour ce peuple assoiffé de bons mots et de rire,
Portefaix, procureurs, tire-laine, écoliers,
Chambrières, soudards, marchands et cavaliers,
Grandes dames, cachant leur rougeur sous le masque,
Pour cette foule avide, et grouillante, et fantasque,
Qui bat la place ainsi que la mer le galet,
Le valet passe maître, et le maître valet !…
Cornes-de-bœuf, monsieur, je ne suis rien qu’un pître
De bas étage, un sot, un niais, un bélître,
Indigne de toucher le bout de son manteau ;
Mais lorsque je le vois — debout sur ce tréteau,
La batte dans la main et le masque au visage,
Drapé dans des haillons sordides par l’usage,
Tenir autour de lui tout un peuple arrêté
Pantelant aux grelots de sa folle gaîté,
Transfigurés dans cet éclat qui l’environne,
Sa batte devient sceptre, et son chapeau couronne ;
Ce théâtre grossier prend des aspects de char
Triomphal, et je crois voir Tabarin César !..

MONDOR.

Peste ! César !

NICAISE.

Raillez ! moi, monsieur, je l’admire
Et dussé-je, à mes frais, vous apprêter à rire,
Un coup de pied de lui, monsieur, me fait honneur,
Et quand il frappe ici — ça me bat dans le cœur !

MONDOR.

Peux-tu bien élever de viles gaudrioles
Au rang des élixirs qu’enferment ces fioles.
Bélître ?.. et comparer dans ton étroit esprit
Le bouffon qui fait rire au savant qui guérit ?…