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le seul principe sur lequel il soit possible de fonder la science ; qu’autrement, si l’on prétend tirer la vérité du sein des choses sensibles ou de la substance du sujet pensant, on la réduit à n’être que relative et subjective, et on la dépouille de tous les caractères qui en assurent l’autorité et l’importance universelle. Sur les traces de Platon et des platonicens, Rosmini reprenait ici et exposait avec une nouvelle force, en faveur de l’idéalisme, l’argument qu’on tire de l’unité du vrai considéré en opposition à la multitude des esprits qui l’étudient et l’entendent. L’unité numérique de la vérité, de toute vérité quelle qu’elle soit, est indispensable, disait-il, pour produire l’accord des intelligences dans la science ; cette unité suppose donc que la vérité existe indépendamment des intelligences qui la contemplent, et dans un principe supérieur aux faits qu’elle éclaire de sa lumière. Elle est donc objective et indépendante de nous, elle est l’idéalité de l’Être. La reprise de cette démonstration lui donnait aussi occasion d’éclaircir le rapport qu’il avait établi dans le Nouvel Essai entre l’idéalité et l’unité de l’Être, ou l’absolu. On me reproche, dit-il, d’avoir fait des idées quelque chose de contradictoire en admettant qu’elles sont en Dieu et ne sont pas Dieu. Mais cette contradiction disparaît si l’on considère l’acte par lequel l’idéalité, objet permanent de notre esprit, se détermine et se limite à ses yeux.

Cette détermination a lieu à la suite du rapprochement que nous opérons entre elle et les choses sensibles ; par conséquent, elle dépend des modifications que ces choses produisent en nous. Ces modifications nous servent à remonter aux actions correspondantes des êtres extérieurs, et ces actions nous servent à leur tour à constituer les essences : elles sont la matière qui, s’unissant à la forme de la connaissance ou à l’être idéal, concourt à nous faire apparaître les idées. La connaissance que nous avons des êtres et des essences dépend donc des effets que les substances ou les réalités produisent en nous ; de là, les limites de notre connaissance ; car rien ne dit que les substances nous manifestent toutes leurs manières d’agir, et que nos sens épuisent toutes les fonctions possibles de la sensibilité. Au contraire, tout nous porte à croire que nos manières de sentir et les activités qui leur correspondent dans la nature des