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LA RUINE

péché et de larmes. Logiquement le devoir du chrétien serait donc de détruire l’Empire ; s’il ne le fait pas, c’est, comme le dit Tertullien, qu’il possède à fond la doctrine et l’habitude de la douceur et qu’il répugne à la violence. Mais se mêler à son existence de péché et d’impiété, jamais ! La mort ou la misère plutôt.

On imagine aisément l’effet de semblables doctrines dans les esprits élevés, à une époque où les fonctions publiques devenaient si lourdes et si dangereuses ; où les races barbares s’emparaient de l’État ; où les qualités violentes de l’esprit humain étaient de plus en plus nécessaires au gouvernement. Le christianisme détruisait l’Empire par l’abstention. Il privait l’administration centrale et les administrations municipales d’une foule d’hommes intelligents et cultivés des classes supérieures ; il accaparait surtout les hommes meilleurs au point de vue moral, les esprits nobles et