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HISTOIRE DE LA PHILOSOPHIE


À cette échelle mystique dont le dernier échelon se perd au plus haut des cieux, Saint-Martin en ajoute une autre dont le dernier degré plonge jusqu’au fond des enfers, tels qu’il les comprend. Pour lui, en effet, l’enfer commence dès cette vie. L’homme a un pied dans l’enfer, quand il est partagé entre le bien et le mal, qu’il est agité et battu par des passions contraires. Il y descend plus avant, quand il vît dans l’illusion et qu’il recherche obstinément les biens terrestres, comme s’ils étaient des biens. Enfin, il tombe au fond des enfers, quand il fait le mal sciemment, volontairement et sans remords. A la mort, l’autre vie nous saisit tels que nous sommes : bons, si nous sommes bons, méchants, si nous sommes méchants. Le paradis et l’enfer que nous y trouvons, ne sont que le prolongement du paradis et de l’enfer que nous nous sommes faits et où nous vivons déjà sur la terre[1] — C’est là une doctrine extrêmement plausible. Elle s’accorde, en effet, de tout point avec la perfection de Dieu, qui exclut tout arbitraire et tout caprice dans la répartition des récompenses et des peines, et, avec la loi du mérite et du démérite, qui veut que le bien engendre le bonheur et le mal le malheur.

Mais cet enfer dont parle Saint-Martin, sera-t-il éternel ? C’est une question qu’avec son âme douce et aimante, il se pose à peine. Les châtiments ayant pour but d’éveiller, dans le cœur du coupa-

  1. Ministère de l'Homme-Esprit, p. 175 et 287.