Page:Ferrand - Fables et légendes du Japon, 1903.djvu/9

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette tortue ? Je vous en donne vingt sous. Cela vous va-t-il ?

— Vingt sous !

C’était une fortune pour ces marmots. Ils acceptent sans hésiter ; Taro leur donne donc deux petites pièces blanches ; aussitôt ils courent au village acheter des gâteaux. Resté seul avec la tortue, qu’il a conscience d’avoir arrachée à une mort certaine, le brave pêcheur la soulève dans les mains, et lui dit, en la caressant :

— Pauvre petit animal ! Le proverbe te donne dix mille ans d’existence, tandis qu’il n’en accorde que mille à la cigogne. Que serais-tu devenu sans moi ? Je crois bien que tes dix mille ans auraient été considérablement écourtés ! Car ils allaient te tuer, ces vauriens !… Allons, je vais te rendre la liberté. Mais à l’avenir, sois prudente, et surtout ne retombe jamais plus dans les mains des enfants.

Cela dit, il dépose la tortue sur le sable, et la laisse aller. Puis, jouissant de la pleine satisfaction que procure toujours un bon acte accompli, il retourne en sifflant à sa demeure. Ce soir-là, la soupe lui parut meilleure, et son sommeil fut plus léger…

Le lendemain matin, Taro, s’étant levé de bonne heure, part pour la pêche, selon son habitude. Le voilà qui gagne le large, monté sur sa petite barque. Il va jeter son filet. Tout à coup, il perçoit dans l’eau un clapotement étrange.

— Monsieur Ourashima ! fait une voix derrière lui.