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jiro voulut à l’instant pénétrer sous la tente et accomplir sa vengeance, mais son frère le retint :

— Attends encore, lui dit-il, en lui saisissant le bras. Tu vois bien qu’ils sont plusieurs centaines. Que pourrions-nous contre un si grand nombre ? Attends ! Ils vont boire. Bientôt ils seront ivres : alors nous pourrons sans danger accomplir notre vengeance.

Les lièvres, en effet, buvaient. Les tasses de saké circulaient de main en main. Les chants d’usage allaient commencer… Tout à coup, un grand silence se fit dans la salle. Le chef s’était levé et, d’un geste solennel, il avait commandé l’attention. Tous les regards s’étaient tournés vers lui. À la porte, les deux blaireaux intrigués tendirent l’oreille :

— Chers amis, commença l’orateur, puisque nous sommes tous réunis ce soir pour fêter notre illustre patronne, je voudrais profiter de la circonstance pour vous faire une proposition que, j’en suis sûr d’avance, vous voudrez tous accepter.

Des applaudissements éclatèrent, preuve que la proposition du chef, quoiqu’inconnue encore, était assurée à l’avance d’obtenir l’assentiment universel. Le lièvre blanc raconta ensuite dans tous ses détails l’histoire du blaireau et les péripéties de sa mort. Puis il ajouta :

— Sa veuve et ses deux fils mènent aujourd’hui une existence bien malheureuse. Mis au ban de leur tribu, insultés et maudits par tous les animaux