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renoncent à employer ce déloyal stratagème, ils veulent se mesurer avec moi à face découverte. Je les admire et les estime. Je serai heureux de mourir de la main de ces deux braves. Bien loin donc de les fuir, je veux aller moi-même au-devant de leurs coups.

Ainsi parla le joli lièvre blanc. Le vieux Gombéiji l’avait écouté en silence. Puis, il prit à son tour la parole :

— Mon cher enfant, dit-il à son fils adoptif, ce que tu viens de dire est raisonnable, et je ne puis que t’approuver. Laisse-moi cependant te faire une remarque. Tu vas mourir, dis-tu, de la main des blaireaux. Qu’arrivera-t-il après ?, Il arrivera que les lièvres qui t’ont choisi pour chef voudront à leur tour venger ta mort : ce sera également leur droit et leur devoir. Ils tueront donc les deux blaireaux. Puis, la tribu des blaireaux voudra venger la mort des deux enfants. La lutte entre lièvres et blaireaux continuera de la sorte de génération en génération, chose fort regrettable.

N’y a-t-il pas un moyen de mieux arranger les choses ? Écoute. Voici à quoi je pense depuis quelques jours. Le blaireau que tu as tué était mon ennemi quand il vivait ; maintenant, il n’est plus de ce monde ; je n’ai aucune raison de lui continuer ma haine. Je songe donc à lui élever un tombeau et à faire célébrer pour lui un service solennel, auquel seraient convoquées les deux tribus des blaireaux et des lièvres. Je ferais aussi une pension à la pauvre