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maux de la montagne savaient ce qui s’était passé. On racontait partout, le soir à la veillée, les méfaits du blaireau, le secours inespéré du ciel, la vengeance du lièvre blanc. Ce dernier était porté aux nues, tandis que la conduite du premier était l’objet des appréciations les plus malveillantes. Aussi, point n’existait-il de pitié pour la veuve et ses deux fils. Les pauvres déshérités ne pouvaient plus paraître en plein jour ; dès qu’on les apercevait, c’était à qui les insulterait davantage. On leur jetait des pierres, les chiens aboyaient après eux, les loups les poursuivaient, les lièvres eux-mêmes riaient à leur passage.

L’aîné des deux enfants portait le nom de Tanukitaro ; son frère s’appelait Yamajiro. Ils n’étaient pas méchants comme l’avait été leur père. Mais la situation dans laquelle ils vivaient était intolérable et, de tout cœur, ils haïssaient le joli lièvre blanc, qui avait tué leur père et les avait réduits à cette existence malheureuse.

Un des devoirs les plus sacrés de la piété filiale leur ordonnait de venger la mort de leur pauvre père. Ils décidèrent, en conséquence, de faire mourir son meurtrier. Mais ils savaient que ce dernier n’était point lâche ni poltron, comme le sont, en général, tous ceux de son espèce. Ils jugèrent prudent de s’exercer d’abord au maniement des armes. Voilà pourquoi, toutes les nuits, les deux frères passaient plusieurs heures à faire de l’escrime, sur le devant de leur tanière.