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ENTRE DEUX RIVES

Pas-de-Calais, juin 1918.


Raymond à Louise


Je vous écris quelques lignes au crayon. C’est une impolitesse, je le sais, mais je possède pour excuse une raison de force majeure : l’encre fait complètement défaut… et je sens un tel besoin de vous jaser un brin, que je n’hésite plus.

Allez-vous vous alarmer si je vous dis que je suis à l’hôpital militaire depuis deux semaines ?… Vous ne le devez pas, car la maladie n’est pas grave. Un commencement de typhus s’est déclaré dans notre compagnie, et deux jours plus tard, sur trois cents hommes, quarante étaient évacués. Mais le mal fut bientôt enrayé et nous sommes presque tous debout à l’heure qu’il est, et dans quelques jours nous reprendrons le harnais de guerre…

Hier je recevais un joli recueil de vers charmants et de grande actualité. J’ai reconnu là votre manière de choyer votre petit cousin. En lisant ces fines poésies canadiennes il me semblait que nous étions deux, vous et moi, à les goûter, à tourner les feuillets… Vous les avez choisis, ces vers, parce que vous les aimez, et tout comme vous, je les savoure et j’y entends chanter l’âme sensible de