Page:Ferland - Entre deux rives, 1920.djvu/54

Cette page a été validée par deux contributeurs.
52
ENTRE DEUX RIVES

Puis à quoi bon jurer, crier, menacer ?… On ne peut pas en obtenir plus, et j’ai l’habitude d’agir avec modération. Jadis, au beau temps de la paix, j’avais quinze ouvriers chez moi, que j’estimais et qui me le rendaient bien… Jamais nous ne nous sommes brouillés !… Aujourd’hui je commande à deux cents braves, et je vous assure qu’ils me font la tâche facile, très facile même.

J’attend le volume annoncé et je suis certain qu’il me plaira beaucoup parcequ’il vient de la cousine canadienne dont le goût ne peut être pris en défaut… Et ça va me distraire de lire un peu. À la longue, la vie que nous menons engourdit le cerveau.

Je suis bavard, n’est-ce pas ?… Qu’y puis-je faire ? bonne petite sœur : je suis en permission et j’en profite… Vous ne m’en ferez pas reproche, je suppose ?

La nourriture est bonne ici. Oh ! il y a longtemps qu’on ne voit plus de pain blanc, mais celui-ci n’est pas mauvais cependant. Et puis, il y a le lit, un lit avec des draps blancs. Un lit !… Il faut que je vous en cause ! Un lit, dans le « civil » c’est un rien, on peut y passer toutes les nuits de sa vie sans réaliser le repos qu’il procure. Mais un soldat qui a dormi des mois, des années, un peu partout sur