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Pendant un voyage qu’il fit à Rimouski, il donna un grand souper au démon, non pas à un diablotin de seconde classe, mais au bourgeois lui-même. Seul avec ses compagnons invisibles, il a massacré des équipages entiers et s’est ainsi emparé de riches cargaisons. Vivement poursuivi par un bâtiment de la compagnie des postes du Roi, il a disparu avec sa goélette, au moment où il allait être saisi, et l’on n’a plus aperçu qu’une flamme bleuâtre dansant sur les eaux. Voilà la substance de bien des légendes que, le soir à la lumière des étoiles, les matelots débitent sur le gaillard d’avant, et qui se répètent, au coin du feu, dans les réunions de village.

Sur ces récits merveilleux s’était élevée et avait grandi la réputation du redoutable sorcier ; aussi la plupart des voyageurs auraient-ils aimé mieux escalader la citadelle de Québec que d’approcher, pendant la nuit, de la maison de Gamache.

Ces contes avaient été accueillis même sur les navires anglais, qui, dans la traversée entre la Grande-Bretagne et le Canada, sont forcés de côtoyer l’île d’Anticosti. Un de mes compagnons de voyage, ancien officier de la marine royale, en arrivant dans ce pays, il y a environ quinze ans, fut tout étonné, lorsqu’il passa vis-à-vis de l’île d’Anticosti, d’entendre les récits des matelots anglais sur le compte du terrible Gamache. Les fables les plus merveilleuses étaient débitées par un marchand juif, de Montréal, qui, pendant deux jours, fut dans des transes continuelles, tant il craignait d’être mis à la broche et dévoré à belles dents dans l’antre du Polyphème d’Anticosti.


II

La « Doris », arrêtée par une brume épaisse, avait mouillé au large de la baie de Gamache. Vers les huit heures du matin, les bancs de brume se dis-