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tyrisent leurs prisonniers ; cependant ils firent bonne contenance, invoquant en leur cœur le Dieu Tout-Puissant, qui peut à son gré renverser les projets des méchants.

Le jeu sanglant allait commencer. Il s’agissait pour les sauvages de lancer leur hache dans le tronc des arbres, aussi près que possible de la tête des prisonniers, de manière à faire sentir à ceux-ci le vent produit par le passage de l’arme. On comprend que la mort ou une blessure grave est le résultat de la moindre maladresse.

Lucy, ployant sur ses jambes, semblait suspendue à l’arbre ; les bras pendant, la tête penchée, les mains agitées de légères convulsions, on eût dit une liane à moitié brisée.

Tout à coup le Jaguar, faisant signe qu’il allait parler, s’avança de quelques pas et dit en mauvais français :

— Le Jaguar est un grand chef ; il a des quantités de chevelures pendues à son wigwam (sorte de cabane) ; sa femme sera honorée. Si la fille aux cheveux d’or veut être sa femme elle ne mourra pas, ni ses compagnons non plus.

Ce fut Paula qui prit la parole :

— Jamais, dit-elle, je n’accepterai la vie, s’il faut la payer de ce prix.

— Certes non, fit Robert. Crois-tu, misérable, que j’y consentirais.

— Que dit la fille aux cheveux d’or ? répéta imperturbablement le Peau-Rouge.

Lucy avait enfin compris, et se redressant :

— Non, non ! Il vaut mieux mourir ensemble.

Plus prompte que l’éclair, la hache du Jaguar partit et vint frapper le chapeau de la jeune fille qui avait instinctivement baissé la tête ; ce fut ce qui la sauva.