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— Non, mon frère, dit Paula avec fermeté ; tu dois être très fatigué de ta marche dans les broussailles ; c’est moi qui veillerai : tu sais que tu peux avoir confiance.

Robert refusa d’abord, mais il avait réellement grand besoin de repos, et bientôt son souffle régulier annonça qu’il avait perdu la conscience des choses. Les chevaux étaient attachés tout près d’eux, et Lucy, la tête appuyée contre l’une des selles dormait également.

Paula songeait, et sa rêverie ne devait pas être gaie, car à plusieurs reprises elle soupira, tout en sondant du regard les alentours du campement.

— Maîtresse, dit tout à coup Daniel à voix basse, je ne dors pas, je veille avec vous.

Et cet humble dévouement parut doux à la jeune fille.

Vers minuit une sorte de torpeur s’empara d’elle : toute éveillée elle fit un rêve étrange. Il lui semblait voir un corps brun se glisser comme un serpent le long des chevaux, puis venir vers Lucy, se pencher…

Alors sous l’empire d’une terreur épouvantable, elle cria comme on crie dans le cauchemar. Son frère se trouva debout au même moment et Lucy, bouleversée, crut à une attaque.

— Non, non, ce n’est rien, lui dit Paula ; j’ai rêvé, je pense. Je voyais un monstre s’approcher des chevaux, puis de toi.

— Les chevaux, dit Robert, qui depuis son aventure veillait sur eux avec un soin jaloux, ils sont bien tranquilles : les voilà couchés tous les deux… Trop tranquilles même, s’exclama-t-il après les avoir flattés de la main. Grand Dieu ! ils sont morts… En effet une large blessure au cœur, par où leur sang achevait de couler, se voyait béante et révélatrice à l’aide d’un rayon de lune.