Page:Ferland, De Villers - Le sorcier de l'isle d'Anticosti - À la recherche de l'or - Au pays de la Louisiane, 1914.djvu/44

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 42 —

Une longue souquenille, trop large pour lui, l’enveloppait comme une robe et tombait piteusement le long des flancs d’un vieux mulet qui, par une bizarre similitude, ressemblait à son cavalier, tellement il était long et maigre.

— Eh ! Daniel ! s’écria Robert, où allez vous donc ainsi ? Comment ! vous voilà monté sur la Grise, la vieille porteuse de choux. Je croyais que vous aviez peur des chevaux.

— Ah ! maître Robert, dit une petite voix flûtée qui paraissait déplacée dans la bouche de ce grand corps, ce n’est pas un cheval, c’est une mule.

— Je le sais bien, mais cela ne me dit pas où vous allez en cet équipage.

— Mais je vous accompagne, vous et ces demoiselles, répartit le pauvre homme en devenant rouge comme une pivoine.

Malgré leur tristesse, les jeunes filles partirent d’un éclat de rire fou : l’idée de voir le vieux Daniel, le souffre-douleur de leurs jeunes années, avoir la prétention de suivre leurs chevaux en ce singulier équipage leur parut tellement extravagante qu’elles ne se calmaient un instant que pour recommencer de plus belle. Robert lui-même partageait leur gaîté.

— Oui, oui, riez, dit philosophiquement le bonhomme, moquez-vous de votre pauvre « bonne », comme vous m’appeliez autrefois quand je vous faisais jouer ! Vous n’aurez certainement pas le cœur de m’empêcher de vous suivre. Tenez, sans moi vous auriez oublié ce que j’ai là dans un sac : votre livre de poésies nouvelles, mademoiselle Paula ; votre écharpe brodée, mademoiselle Lucy ; votre nœud d’épée, monsieur Robert.

Les jeunes gens, touchés, se regardaient, émus et souriants.

— Allons, viens, dit Robert. Mais je t’avertis