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bien jeune encore pour mourir sitôt. Et sa pauvre mère ! qui en prendra soin dans sa vieillesse ? Il se jette tout habillé sur son lit, se promettant bien de ne pas clore l’œil ; mais bientôt il succombe sous la fatigue et les émotions de la journée, et il dort profondément.

Jusque dans son sommeil, la terreur le suit. Il rêve : à travers mille périls, il s’est échappé de la caverne d’un géant ; vivement poursuivi, il a devancé son bourreau, il s’est jeté dans sa chaloupe ; la voile est hissée ; un moment encore, et il est sauvé, quand un coup vigoureux, appliqué contre la cloison, le rappelle à la réalité de sa position. C’est bien Gamache lui-même qui se penche vers lui, et qui tient une lanterne d’une main et un fusil de l’autre. C’est donc bien vrai, tout ce qu’on a dit de cet homme !

— Ah ! te voilà déjà réveillé ! Mais comme tu es blême ! Je gage qu’on t’a dit que Gamache tuait les gens. Eh bien ! lâche, je viens te donner le dernier coup !…

Il lève le fusil, et le suspend à deux clous enfoncés dans la cloison ; puis tirant de sa poche un verre et un flacon d’eau-de-vie, il remplit le verre, boit à la santé de l’étranger, et l’invite à rendre le compliment :

— Tiens, prends un bon coup, tu dormiras ensuite ; et si Gamache vient t’attaquer cette nuit, tu te défendras ; voilà, au-dessus de ta tête, un fusil chargé que je t’ai apporté exprès.

— Eh bien ! camarade, dit le maître de la maison à son hôte, en le voyant descendre tout joyeux, le lendemain matin, tu avais peur, hier au soir ; je m’en suis bien aperçu : j’ai voulu te la donner bonne quand j’ai été te voir. Tu me connais à présent ; et si jamais des peureux te disent que Gamache tue les voyageurs, tu leur répondras qu’ils en ont menti !… Tu vois bien que le diable n’est pas aussi noir qu’on le dépeint !