Page:Ferland, De Villers - Le sorcier de l'isle d'Anticosti - À la recherche de l'or - Au pays de la Louisiane, 1914.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 14 —

sait les menaces, quand leurs forces n’étaient pas doubles des siennes. Il était d’ailleurs assuré de trouver, dans l’occasion, des défenseurs parmi les sauvages, qui favorisaient souvent les traiteurs.

Un jour que sa goélette était mouillée dans le port de Mingan, au milieu d’un cercle de canots montagnais, et que le trafic allait rondement, une voile apparaît au loin et semble se rapprocher assez vite. L’œil exercé du vieux loup de mer a reconnu un bâtiment armé, dont il a déjà plusieurs fois éludé la poursuite. « À demain, de bonne heure, mes amis, crie-t-il aux sauvages : ne vous éloignez pas trop ; nous reprendrons les affaires, quand j’aurai donné l’air d’aller à ces messieurs. »

L’ancre est levée, et pendant que l’ennemi court une bordée pour venir tomber sur sa proie, la flotte de canots a disparu, et la goélette glisse rapidement hors du port, toutes les voiles déployées. Le croiseur se met à sa poursuite, espérant bientôt la rejoindre ; mais il avait compté sans Gamache, habile pilote, qui réussit à conserver l’avance prise au départ. Cependant la nuit se fait, et bientôt les deux bâtiments ne sont plus que deux ombres perdues sur la surface des eaux.

— Voilà le bon temps, observe Gamache, en s’adressant à son compagnon ; attise le feu dans la cambuse pour que ces gredins-là voient la flamme tout à clair.

— Bien.

— À présent, il faut les faire courir après ce feu-follet.

Il lie ensemble quelques bouts de planches pour en former un radeau ; les tisons enflammés de la cambuse sont enfoncés dans un baril de goudron, qu’il cloue solidement au radeau, et le phare flottant est descendu avec précaution à la mer.

— Bon ! là, mon garçon ; largue l’amarre qui tient le radeau. Pendant qu’ils vont s’amuser à le rejoindre, nous allons courir quelques bordées pour aller reprendre notre place dans le port de Mingan.