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d’ancres et de cabestans, et j’espère me sauver du naufrage. Il ne s’agit pas de mon plaisir seul, il s’agit de ma vie ; je sens et j’éprouve tous les jours davantage, qu’il m’est physiquement impossible de vivre hors de Paris. Pleurez-moi pour mort, si je ne reviens pas.

Vous m’auriez fait grand plaisir de m’indiquer quels sont les particuliers de Naples qui ont écrit des bêtises à des particuliers de Paris, sur mon compte[1] : et j’aurais écouté volontiers les détails qu’ils ont mandés. Ce n’est pas que je m’en inquiète aucunement ; j’ai reçu l’éloge le plus pompeux de ma cour, dans une dépêche qu’on a même fait courir dans la ville de Naples, sur mes talents, ma probité, mon zèle et les services rendus à la couronne. On a fixé les gages de ma charge de conseiller du commerce, presqu’au double de ce qu’on accordait pour l’ordinaire aux autres. Vous pourrez donc dire à mes amis que l’honneur de leur ami Galiani est à l’abri. Il faut compter pour quelque chose l’honneur, car il cause un certain chatouillement[2] de plaisir qu’on pourrait très bien appeler l’onanisme[3] de la vertu. L’argent et les dignités sont le plaisir parfait, l’honneur est la masturbation, Les éloges dont j’ai été comblé par ma cour sont calqués sur ceux que M. le duc de Choiseul a bien voulu faire de moi. Je lui ai, en vérité, mille obligations, et je ne sais comment m’y prendre, pour lui faire parvenir les sentiments de toute ma reconnaissance.

J’ai envoyé par le prince Pignatelli[4] saluer mon cher

  1. Sans doute au sujet du rappel de Galiani que l’abbé Morellet attribue à « quelques légèretés contre le duc de Choiseul, » qui d’ailleurs était pour la liberté du commerce des grains, ainsi que d’Invault. Mémoires de Morellet, Paris, 1822, t.  Ier, p. 192. Voir aussi plus loin la lettre 78.
  2. Édit. T. : une certaine démangeaison.
  3. Édit. T. : le chatouillement. La phrase suivante y est omise.
  4. Louis-Gonzague Pignatelli d’Aragon, prince de Gonzague, fils du comte de Fuentès, ambassadeur d’Espagne près la cour de France, de 1763