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la compagnie des Indes[1], n’ait occupé les esprits, au point que toute autre question politico-économique paraisse indifférente. Mais je viendrai en France faire mieux une autre fois. Vous croyez que je badine ? point du tout ; je me suis ancré exprès à Gênes, où le fond est bon, et je suis à l’abri des marées, pour ne pas me laisser entraîner par les courants sur les rochers de Naples. J’ai redoublé

  1. Fondée eu 1664 par Colbert, remaniée en 1719 par Law qui lui adjoignit les compagnies de la Chine et de l’Occident, pour en faire l’auxiliaire de sa banque, un instant maîtresse de l’Inde entière sous Dupleix, la Compagnie des Indes, endettée et attaquée par les économistes comme contraire à la liberté du commerce, venait d’être frappée le 15 août 1769, par un arrêt du conseil qui suspendait ses privilèges et qui avait été précédé d’un écrit de l’abbé Morellet destiné à soutenir la politique du contrôleur général Maynon d’Invault, qui le réunissait à dîner tous les samedis avec Dupont de Nemours et Abeille. Dans ce Mémoire sur la situation actuelle de la Compagnie des Indes, in-4o, l’abbé Morellet, après avoir cherché à établir que la Compagnie était désormais hors d’état de continuer le commerce par ses propres forces, le roi ne pouvant plus lui fournir les secours qu’il lui avait donnés pendant quarante ans, soutenait qu’une Compagnie privilégiée n’était nullement nécessaire pour faire le commerce de l’Inde. « Le Mémoire de l’abbé Morellet, fait un effet prodigieux, et bien des gens les plus attachés à la Compagnie, qui jusqu’à présent en avaient désiré la continuation, intimidés par les assertions de cet auteur, en veulent aussi ardemment l’extinction. Ce n’est pas que dans le livre même on ne put trouver la propre réfutation du détracteur… Des particuliers intéressés à la chose, aussi zélés qu’instruits, s’occupent à discuter les points les plus essentiels ; ils prétendent prouver les erreurs que l’abbé Morellet a travesties en vérité, découvrir les sophismes qu’il a donnés comme des raisonnements, démasquer l’infidélité de ses exposés, et renverser son système de fond en comble, » Mém. secrets, t.  IV, p. 279, et encore p. 221, 276. » Morellet fut en effet combattu par Necker dans sa Réponse au Mémoire de l’abbé Morellet, imprimée en exécution de la délibération de MM. les actionnaires prise dans l’Assemblée générale du 8 août 1768, par le comte de Lauraguais ; par Godeheu, par l’auteur des Éclaircissements, concernant la partie historique, etc. (Ibid., pp. 282, 85, 87, 89, 301, 307, 320). Morellet qui, d’après les Mémoires secrets, t.  IV, p. 305, avait reçu 4000 livres pour son premier Mémoire, en fit un second pour réfuter Necker : Examen de la réponse de M. N***, in-4o de 150 p. Voir sur cette suppression de la Compagnie des Indes, qui, selon Montyon, fut « l’opération la plus mauvaise » du ministère de Maynon d’Invault : Particularités sur les ministres des finances, Paris, 1812, p. 150 ; Vie privée de Louis XV, Londres, 1781, t.  IV, p. 92 ; les Mèm. de Morellet, t.  1er, 178, et II, p. 291 ; et L. de Lavergne, les Économistes français du dix-huitième siècle, Paris, 1870, p. 346.