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3. — À LA MÊME.
Gênes, 14 août 1769.

C’est fort bien dit, madame, point de cartons ; les cartons ne sont bons que dans les reliures, dans les livres ils ne valent rien du tout. Pour des endroits un peu lâches, ils y sont assurément en grand nombre ; il y en avait au moins cinquante de ma connaissance ; mais pour ce qui est des plaisanteries, bien loin d’être de votre avis, j’ai trouvé qu’il n’y en avait pas assez. Vous direz, mais elles n’étaient pas du meilleur goût. Eh ! tant mieux, madame ! Croyez-vous que tous les lecteurs aient du goût ? Il faut plaire à tout le monde. Que de plaisanteries mauvaises n’a pas imprimées le patriarche Voltaire[1] ? Enfin, je les aurais laissées ; elles auraient peut-être fait la fortune de l’ouvrage auprès des sots, qui sont en grand nombre ; mais n’y songeons plus. Quand on saura dans quel affreux état de chagrin et d’accablement d’esprit ce malheureux ouvrage a été conçu[2], fait, achevé, à quel point il est un avorton, on n’aura rien à dire à l’auteur, et les éditeurs auront toujours plus de mérite à l’avoir laissé tel quel, que s’ils l’avaient retouché.

J’attends à présent avec impatience les nouvelles du marché, et celles de la réussite de la chose. Je crains que le coup de massue flanqué par notre abbé Morellet sur

  1. Au commencement de cette même année 1769, Voltaire venait de publier la Canonisation de Saint-Cucufin, la Cinquième Homélie prononcée à Londres, sans parler de la facétie de sa communion publique à Ferney (avril 1768).
  2. Au moment des chagrins et des ennuis d’un rappel qui était presque une disgrâce. Voir p.7, 28, 41.