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l’onde. Il a même été d’un bonheur inconcevable ; je n’ai eu jamais chaud, et toujours le vent arrière sur le Rhône et sur la mer. Il paraît que tout me pousse à m’éloigner de tout ce que j’aime dans le monde. L’héroïsme sera donc bien plus grand et plus mémorable, à vaincre les éléments, la nature, les dieux conspirés, et retourner à Paris ; oui, Paris est ma patrie ; on aura beau m’en exiler, j’y retomberai. Attendez-moi dans la rue Fromenteau, au quatrième sur le derrière, chez la nommée … fille majeure[1]. Là demeurera le plus grand génie de notre âge, en pension à trente sols par jour, et il sera heureux. Quel plaisir que de délirer ! Adieu.

Je vous prie d’envoyer toujours vos lettres à l’hôtel de l’ambassadeur. Grimm est-il revenu de son voyage[2] ?

  1. Un passage de la facétie de Grimm intitulée : Sermon philosophique prononcé le jour de l’an 1770 dans la grande synagogue de la rue Royale, butte Saint-Roch, nous apprend que ce n’était pas à la rue Fromenteau seulement que Galiani rendait ces sortes de visites : « Vous êtes avertis que, par ordre de nos supérieurs, dont nous nous estimons les égaux, et dans la vue de signaler notre juste gratitude envers notre cher et vénérable chef Galiani, il sera fait à la porte de ce lieu saint une collecte en faveur et au profit des enfants naturels que notre dit charmant abbé a eus, ou seul ou de compagnie, de différents lits des rues Saint-Honoré, Champfleury, Tiquetonne, carrefour Bussy et autres quartiers de la ville, faubourgs, banlieue, prévôté et vicomté de Paris, pour être le produit de cette collecte, conjointement avec les legs pieux assignés pour le même objet par le susdit charmant abbé, employé aux mois de nourrice et autres nécessités corporelles et spirituelles des susdits innocents et aimables bâtards, sous la tutelle spéciale de notre vénérable chef et ancien Denis Diderot et de frère Angelo Gatti et de frère Frédéric-Michel Grimm, qui s’humilie devant vous en cette chaire, à ce commis par codicille dudit charmant abbé, envoyé de Naples et homologué au synode de cette illustre église. » Correspondance littéraire, édit. Tourneux, t.  VIII, p. 438.
  2. Grimm ne fut de retour à Paris que le mardi 15 octobre 1769, « après une absence de cinq mois, » dit Diderot (Lettre à mademoiselle Voland, du 18 octobre, Œuvres, t. , XIX, p. 227). Il avait visité Vienne, Berlin et les petites Cours d’Allemagne. Corresp. littér. t.  VIII, p. 425. Cette absence expliquerait dans sa Correspondance littéraire la lacune des mois de mai, juin, juillet, août et septembre, si Diderot ne l’avait pas remplacé, s’il n’avait pas « tenu le tablier, » pendant tout ce temps. Voir les Œuvres de Diderot, édit. Assézat, t.  XIX, pp. 309 et 325.