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bunal puissant s’il n’eût été justiciable lui-même d’un autre tribunal.

Une pareille constitution suppose un degré de civilisation avancée, un développement moral actif dans les esprits, l’industrie commerciale portée à un haut point de splendeur, et, surtout, le don et l’exercice fréquent de la parole publique. Nos annales latines traduisent des discours au style énergique, improvisés par des hommes du peuple, et qui ont dû remuer profondément les masses. Ici une harangue suffisait, comme à Athènes, pour soulever la population. On sait ce que c’est qu’une harangue traduite !

Tous les actes, tous les traités étaient aussi écrits en wallon[1] ; nous en possédons qui datent de 1204 : ce sont les plus anciens qui se soient conservés. Avant cette époque on se servait sans contredit de la même langue. Tout ce qui émanait des cours de justice était écrit dans cet antique idiome. Les autorités civiles étaient aussi très-attachées à la langue vulgaire. Ce n’est que dans des transactions extraordinaires qu’on se sert du latin. Les membres des États discutent et rédigent toujours les lois en wallon. Toutes nos paix sont écrites dans ce parler

  1. C’est ce qu’atteste aussi Saumery : Délices du pays de Liége, t. I, p. 80. — Dans ses Analectes Belgiques, pag. 257, M. Gachard cite un acte du 19 avril 1233, auquel pendait le Saial le Glise de Lige, comme la plus ancienne charte en langue vulgaire qu’il ait trouvée chez nous. Louvrex, dans son Recueil des Edits du pays de Liége, n’a publié, croyons-nous, que deux ou trois documents en wallon du XIIIe siècle. Il y avait négligence de sa part, car nous en avons trouvé environ une trentaine, sans beaucoup de recherches, et qui sont tous des plus importants pour notre histoire politique.