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wallonne, de nous tous chérie, et qui tend chaque jour à disparaître. Heureux ceux qui l’ont dansée ! C’est le Crâmignon. Combien peu la danseront encore ! Hâtons-nous donc de la décrire : dans cette décadence universelle qui nivelle toutes les mœurs et toutes les langues, on ne saurait trop tôt constater que de notre temps cette coutume n’était pas encore abolie.

Au printemps le Crâmignon naît et commence avec les fêtes des paroisses ; il se continue tout l’été et se prolonge même jusqu’à l’automne, selon que notre malin Astrologue retarde ou avance l’arrivée des fêtes patronales. Bien souvent l’aurore aperçoit, dansant, les intrépides amateurs qui, la veille, avaient formé la sarabande. Composé tantôt de jeunes filles, tantôt de jeunes hommes, mais plus souvent entremêlé des deux sexes, se tenant par la main, en habit de fêtes, ce branle défile, serpente, se déroule et ondoye à travers les rues, les quais, les places de la vieille cité, répétant de frais et de sonores refrains wallons. Qui n’a tressailli d’aise et de souvenir, quand, de retour d’un voyage, on entend la nuit ces accents maternels, chants du berceau et chants de l’adolescence ?

Pour conduire le branle, il faut réunir certaines qualités physiques : les hautes statures et les larges poumons obtiennent ordinairement la préférence, et pour cause. Cela se nomme miné l’ Crâmignon, comme l’indique cet ancien refrain :

Prindé voss baston, Simon,
Es miné li Crâmignon.

Cependant, qu’un poétique improvisateur, comme on en trouve dans les ateliers et les écoles, vienne à ré-