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En Prenant le thé

— Vous avez passé une bonne nuit ? me demanda-t-il en se courbant galamment pour me baiser le bout des doigts.

Toute sa personne respirait, me sembla-t-il, un parfum de fraîcheur inaccoutumé : sa cravate noire à larges bouts étalait sur son gilet blanc un nœud plein de jeunesse, son ample robe de chambre à ramages flottait en plis joyeux derrière lui, et il n’était pas jusqu’à sa belle chevelure blanche qui dans ses boucles soyeuses ne me parût contenir tout un monde de riants projets et d’intentions de renouveau.

Assis tous deux dans ces bons fauteuils bas que nous aimons tant, chers et vieux meubles démodés, qui nous ont vus vieillir et qui ont si souvent bercé notre méridienne, nous devisions du temps passé et présumions de l’avenir.

— Comtesse, interrompit-il en me prenant des mains la tapisserie que je tenais, au lieu de ces affreuses fleurs gothiques qui vous fatiguent la vue de leurs couleurs criardes, ne voulez-vous pas venir dans la campagne revoir un peu la vraie nature ?

Et, comme je relevais la tête :

— Il fait beau, continua-t-il, c’est le mois de mai ; partout la nature sourit et se ranime, les buissons