Page:Ferdinand Genissieu - En prenant le thé (1868).pdf/30

Cette page a été validée par deux contributeurs.

12
En prenant le thé

Le dîner fini, le cercle reformé au coin du feu, j’allumai mon cigare et, pour me faire absoudre tout à fait, je reparlai du gros chagrin.

— Je croyais te faire plaisir, père, et quand j’ai vu que tu me repoussais… Est-ce que tu avais du chagrin, toi, dis, papa ?

— Non… mignonne.

L’enfant était assise dans son petit fauteuil à nos pieds : sa tête reposait appuyée sur mon genou et ses deux mains relevées par-dessus me tenaient les doigts.

Un peu après, elle demanda à venir câliner près de moi, et, quand l’heure fut venue, nous partîmes en caravane, elle perchée sur mon bras et la maman tenant la lampe, jusqu’à la chambre bleue.

Plus longue encore fut la toilette ce jour-là, et la pauvre chérie, heureuse de son chagrin passé, fit cent tours par la chambre pour nous empêcher de la joindre.

Je ne sais pourquoi, en voyant ce petit être à demi nu, perdu dans mes bras, et l’ayant mis au lit, — le sentiment de ma brutalité et de la peine que je lui avais faite me revint si fort, que les larmes piquèrent mes yeux ; je m’assis tout près de son lit, et la dor-