Page:Ferdinand Genissieu - En prenant le thé (1868).pdf/174

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

156
En prenant le thé.

faite ! — Jusque maintenant, je vivais si heureux ; passant souvent mes soirées au milieu de vous, j’étais si sûr de ce bonheur-là que je trouvais chaque fois que je le cherchais, que j’ai un peu perdu la tête quand je me suis aperçu qu’il allait finir… Tu vas aller dans le monde, Jeanne, et j’ai peur que tu ne sois perdue pour moi… Je t’aime autant que Léon, — plus, peut-être… — plus, assurément, puisque lui est heureux de cette perspective de plaisir pour toi, tandis que moi j’en suis malheureux.

— Malheureux !…

— Malheureux, oui, petite sœur, et il me fallait la crainte égoïste de te voir t’éloigner de moi, pour m’éclairer un peu et… Dis-moi, si par hasard… je t’aimais… plus qu’une sœur… si je te demandais de m’aimer un peu… si je te priais de me laisser t’aimer beaucoup… te fâcherais-tu ?

La chère enfant, toute rouge et les yeux baissés, me tendit la main — et sans qu’elle me dît une parole, je compris si bien sa réponse que je couvris sa main blanche d’ardents baisers.

— Tu sais… lorsque nous étions enfants, quand tu courais dans le jardin en robe courte, quand nous jouions ensemble, il y avait entre nous deux un vague