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En prenant le thé.

pas ; — l’on s’en va là chercher une vie factice, une vie artificielle, une mort… Pendant toute une partie de sa vie, une jeune fille est restée calme, naïve, aimante ; les joies paisibles du foyer ont fait son seul bonheur ; son cœur n’a battu qu’à l’unisson des cœurs de ceux qui l’aimaient saintement ; elle n’a pressé que des mains amies, toutes prêtes à lui prêter appui ; puis un jour, — et parce que c’est la mode, — les salons lui ouvrent leurs portes à deux battants. Elle y entre en reine, car elle est jolie ; elle se prend d’amour pour cette atmosphère lourde et tuante, elle entend là le faux langage des affections fausses, elle s’enivre de louanges fades et mensongères, et s’habitue si bien à tout ce clinquant-là, que, lorsqu’elle rentre au logis, sa sainte et coquette chambre de jeune fille lui paraît glaciale, les conversations véritablement aimantes lui paraissent trop simples, et les cœurs qu’elle aimait auparavant, lui paraissent battre trop lentement. Elle ne voit plus auprès d’elle, lui tendant la main… Mais qu’est-ce que je dis, moi ? Je t’ai fait de la peine, petite sœur, pardonne-moi.

— Tu vois le mal plus grand qu’il n’est, je crois, et…

— Non, Jeanne, mais j’aurais tant voulu te voir