68 SÉBASTIEN CASTEDLION. . l’ont décidé a sacrifier au pape quelques—unes des vieilles franchises gallicanes. Le mouvement luthérien éclate, et l’inquiète peu : c’est surtout un gros embarras pour son rival Cha1·les—Quint. Il va un peu plus loin,· quand la guerre et les plaisirs lui laissent le temps d'y penser : il prete l’oreille aux douces exhortations de sa sœur Marguerite, qui lui apprend que des choses touchantes se passent a Paris et a Meaux. A Paris, le vieux Lefevre d`Étaples émeut la jeu- nesse en commentant les Evangiles, dont il publie la pre- miere traduction francaise. A Meaux, l’évèque Briçonnet, un homme considérable, un des négociateurs du concordat, a interdit la chaire ai des moines ignorants, qu’il a remplacés par -des élèves de Lefevre d’Etaples, et le diocèse est en pleine effervescence : pretres et paysans rivalisent d’enthou— siasme pour l’Évangile; c’est une vraie renaissance reli- gieuse en pleine campag·ne. Elle—mème, insinuante prédica- trice, essaye de lire quelques pages du livre merveilleux a son frère et à sa mère; et il reste quelques traces des émotions fugitives qu’elle sut éveiller ‘. Survient comme un coup de foud1·e le désastre de Pavie. A l’instant tout change. Le peuple alfolé court aux églises et aux couvents. La « horde 11oire des confréries » fait 1·etentir tout Paris de ses prédictions forcenées; la calamité publique donne un premier triomphe au parti de Duprat et de Mont- morency. Louise de Savoie, en même temps qu’elle négocie sec1·ètement avec le Turc, cède a la Sorbonne et a la majorité i du Parlement. Dès le 15 mars (1525), en pleine panique nationale, Duprat fait instituer une commission mixte, sorte d'Inquisition provisoire pour la`répression de l'hérésie; il tourne par une procédure ingénieuse les difficultés de juri- diction, et il en fait la première application ai des ecclésias- tiques de Meaux, que Briconnet est impuissant ai sauver. Il lui reste a raffermir son empire su1· le cle1·gé, sur le 1. Elle écrit à Briconnct : ¤¤ Le roi et Madame sont plus que jamais nlfectionnés à la réfor- mution de l'Eglisc,... délibérés ii donner ii connoistre que la vérité de Dieu n'est point hérésie (déc. t52l). » (Michelet, III, 916, 919.) -— Louise de Savoie elle-même se laisse allerà écrire dans son Journal (déc. 1522) : « Mon ûls et moi par la gràce du Saint»Esprit com- mençasmes a cognoistre les hypocrites blancs, noirs, gris, enfumés et de toutes les cou— leurs... ». -—- Michel d'Arnnde prêche à la cour et y lit l’Evangile en francais.
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