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avec Nicolas Bourbon, avec d’autres encore en attendant qu’il force Rabelais lui-même à l’attaquer sans merci dans une cruelle préface[1]. Enfin, et c’est pour notre question particulière le point important, il rompt de même avec Gilbert Ducher et son groupe d’amis. Le petit recueil de Ducher ne compte pas moins de cinq mordantes épigrammes qui le désignent clairement sous le nom de Durus (par allusion à sa devise). On y retrouve l’écho des divers bruits injurieux qui avaient cours contre lui : l’une le traite comme le plus effronté des plagiaires[2], une autre comme le dernier des ignorants[3]; une troisième, à double sens, insinue que sa vie n’est pas moins que ses vers, hors la loi[4]; les deux autres prennent Guillaume Sève à témoin que ses amis même le tiennent pour fou[5], fou d’orgueil avant tout[6], lui sur qui on avait fondé tant d’espérances[7].

Il n’est donc pas douteux que dans le milieu relativement grave, sage et chrétien où vivait notre jeune précepteur, le nom d’Étienne Dolet, à ce moment du moins, était en horreur. Castellion n’a entendu parler de lui qu’avec les marques de la dernière reprobation.

Cette extrême sévérité, nous ne la comprenons pas aujourd'hui, nous ne parvenons même pas à l’expliquer. Par

  1. Voir Christie, Ét. Dolet, chap. XIX.
  2. P. 12 :

    ... Ut vero folium Sibyllæ
    Narrem, docti animam arbitrantur illum
    Nostri Villanovani habere, cujus
    Defuncti sibi scripta vindicavit,
    Fur nequam plagiariusque summus.

  3. P. 38 :

    Miror doctrinæ micam ut habere queas.

  4. P. 96 :

    Exleges nimium feris iambos,
    Scabra incude nimis, nimis libenter.
    Cave... tua vita ne sit exlex.

  5. Et deplorata es dementia et ista virorum
    Tuis gregis sententia est.

  6.  Thrasonica autem gloria.

  7. P. 104 et 105 :

    Humanitatem maximam
    Inesse cui speraveram
    Humanitatem omnem exuit,
    Et nunc aculeos graves
    Se purturire jamdiu
    Minatur in nomen meum.