Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/49

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

si bien avec les aveux que nous venons de lire, l’horreur de la forme hybride Sebastianus remplacée par ce mot laborieusement ingénieux Sebastyanax ; inutile de dire qu’il y renonça vite et qu’aucun de ses ouvrages ne l’a reproduit.

À vingt-deux ans, Sébastien Chatillon faisait donc partie de ce groupe littéraire dont le centre nous semble être tour a tour Gilbert Ducher, Nicolas Bourbon, ou Jean Voulté, suivant que nous lisons Ducher, Bourbon ou Voulté. En réalité, il y eut là, pendant quelques années, une réunion brillante de jeunes humanistes, venus de toutes les provinces voisines, tous poètes, tous rivaux et tous amis, parce qu’ils étaient tous jeunes. Les circonstances les distribuaient par petits groupes, suivant leur genre d’études, suivant leurs goûts et plus souvent suivant la région dont ils étaient originaires. Celui de ces petits cénacles où nous trouvons Chatillon, devenu « Castalion », se compose en majeure partie de compatriotes de Ducher et de jeunes gens de la Savoie et de la Bresse, Sabaudos et Allobroges[1]. Ce n’est pas un pur hasard qui les réunit autour du poète. En 1537, Gilbert Ducher était à Belley, dans la maison de Francois Lombard, l’intendant du roi pour le Bugey ; il y passa dix-huit mois, peut-être en qualité de précepteur[2], peut-être comme secrétaire et homme de lettres à son service, car François Lombard travaillait à un grand ouvrage, une histoire du Portugal, en latin, que le poète n’hésite pas à proclamer un chef-d’œuvre : Salluste même n’a pas fait mieux[3].

  1. Citons seulement Jean Rousset « Allobrox », dont Gilbert Ducher ne dédaigne pas de recueillir un « scazon » à son éloge (p. 157), c’était peut-être un parent de Pierre Rousset, le « poeta laureatus » mort prématurément en 1537, laissant une Christiade inachevée et dont Hubert Sussanneau recommande si chaleureusement à François Ier les deux poèmes latins, Christus et Paulus (1534 et 1537) ; — un autre en « Allobroge », auteur aussi d’une pièce en faveur de Ducher (p. 158), Vitalis Sæpianus, dont nous ne savons rien de plus ; — deux amis ou deux élèves de Jean Raynier : l’un est de Trévoux (Trivollinus), il s’appelle Claudius Rufus (Roux, Le Roux, Ruffi ?), dans tous les cas il ne s’agit pas de Claude Rousselet(mort en 1532) ; l’autre, Claude Bigotier, que Ducher appelle Segusianus, mais qui, d’après Guichenon, est aussi un Bressan ; il l’était si bien que son nom a survécu à cause d’un poème en l’honncur de la Bresse, le poème des Raves, Rapina, seu Raporum encomium. Ducher les unit dans un même éloge :
    Eximie doctos, eximieque honos.

    sans parler de leurs vers dignes d’Apollon :

    Tam tersi, tam sunt perlipide lepidi
  2. « Apud quem in tua Beugesianorum proprætura sesquiannum vixerim et far admodum et stipendiis haudquaquam pœnitendis. »
  3. Ducher, Epigr., p. l00.