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il insère à la fin de son petit volume une vingtaine de jugements sur le poète et sur l'ouvrage. Il réunit les vers de ses amis sous un titre également flatteur pour eux et pour lui : Multorum eorumque vere poetarum de Gilberto Ducherio Vultone judicium. De ces pièces, une des premières est une épigramme en grec et en latin, dont voici le texte[1] :


SEBASTYANACTIS CASTALIONIS SABAUDI AD DUCHERUM VULTONEM


Συ μὲν ὀλίγα γράφεις ἔπε’ , αὐτὰρ Φοῖβος Ἀπόλλων

Οὐκ ἀπρεπῶς γαρύειν τοῖα λέγοιτο μέλη.
Ἠμᾶς δ'ἂρ κύκνου μελιειδέῖ χαίρομεν ὠδῆ,
Ἠμῖν δ'αὖ κίττης δυσχερές ἐστιν ἔπος.
Οὐδὲ φρονεῖ σκόλυμον προτιμῶν γλυκεροῖο ῥόδοιο
Ἑν κήπῲ, τὸν μὲν μείζονι, τοῦ δὲ μικρῷ.
Ἀλλ' ἄγε, πολλὰ πάνυ πάνυ[2] νικῆσον ὀλίγοις.
Πάυρων γὰρ καλῶν χείρονα πολλὰ κακὰ.
Ἤν δε τιν'ἡ μίλος[3] εὐφραίνει μᾶλλον ἴοιο,
Νωλεμὲς ἤνωγα τόνδε συφορϐὸν ἔμεν.


EJUSDEM AD EUMDEM EADEM SENTENTIA


Pauca quidem, Vulto, depromis carmina : verum

Qualia mellifluus dictat Apollo suis.
Et nos, rara licet, nivei modulamina cycni
Demulcent : et nos garrula pica necat.
Nec sapit ingenti cui carduus asper in horto
Quam rosa in exili gratior esse potest.
Perge modo paucis, ut pergis, vincere multa :
Multa reor paucis cedere prava bonis.
Putida quod si quem taxi lanugo moratur,

Porcorum merite prœstituatur haris.


Les voilà donc, ces péchés de jeunesse, ces produits de la « légèreté grecque ».

Pour des vers de jeune homme et de jeune homme qui s'est instruit lui-même, ils valent bien le reste du volume. On y a remarqué ce purisme d’helléniste néophyte qui s'accorde

  1. Ces deux pièces n'avaient pas encore été signalées, à notre connaissance, par aucun des biographes de Castellion.
  2. Il parait manquer un mot, peut-être omis par l'imprimeur. - On voit qu'à deux reprises il fait longue la seconde syllabe de ὸλίγοξ. Est-ce une simple faute de quantité ? Ou bien s'est-il cru autorisé par des exemples que nous ne connaissons pas ?
  3. Il avait probablement écrit d'abord σμῖλαξ.