Page:Ferdinand Buisson - Sébastien Castellion - Tome 1.djvu/47

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

C’est dans une société plus humble qu’il faut pénétrer, et nous avons précisément pour nous y introduire quelques guides précieux : ils le seront d’autant plus pour nous qu’ils ne se meuvent que dans les seconds plans. Ce sont quatre ou cinq recueils de poésies — latines pour la plupart, - imprimés à Lyon dans les années 1535 à 1540, c’est-à-dire au moment précis qui nous intéresse, et qui est bien, pour le dire en passant, un des plus attachants de l’Histoire littéraire de cette ville. On les intitulait alors Epigrammata, ce qui ne désignait nullement des épigrammes, pas même de celles « qui ont des dents de lait », mais simplement des pièces de circonstance, billets en vers, morceaux applaudis la veille en petit comité. N’eût été l’ingénue vanité de ces premiers amants de la Renaissance française, rien de tout cela n’aurait survécu, méritant si peu de survivre. Pourtant, avec un peu de patience, on tirerait de ces quelques volumes un tableau presque complet de la société cultivée de Lyon. De ce tableau nous n’avons le droit d’esquisser qu’un coin à peine, celui où se cache notre étudiant.

Sébastien Gryphe imprimait en 1538 les deux livres d’Épigrammes latines de Gilbert Ducher. On connaît peu aujourd’hui Ducher, Ducherium Vultonem Aquapersanum, c’est-à-dire né à Aigueperse, dans la même petite ville et presque à la même époque que Michel de l’Hôpital. C’était alors un poète en honneur, surtout aux alentours de Lyon. Il avait donné ses soins, à Paris, à des éditions de César et de Martial; il avait des admirateurs, dont quelques-uns le mettaient sans hésiter au premier rang des poètes latins de l’époque. En publiant ses deux livres d'Épigrammes, il proteste qu’il ne fait que céder aux instances de ceux qui les ont lues et suivre l’avis formel d’un maître à qui il ne peut rien refuser et dont le nom sert de passeport au livre : c’est le principal du collège dont nous avons déjà parlé, Jean Raynier.

Malgré le prix d’un tel patronage, Gilbert Ducher ne néglige pas d’y joindre d’autres témoignages propres à disposer favorablement le lecteur. Soucieux de sa renommée et suivant en cela d’ailleurs l’usage de tous les contemporains,