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434 Arrmiiicn. Comment expliquer que la Bible de 1555 paraisse plus jeune que celle de 1553 de près cl’un demi-siecle, et plus récente meme que celle de l5S8? — Par le fait qu’elle est une traduction nouvelle. · Toute revision], n’etant qu`un compromis entre deux exigences con- traires, celle du progrès et celle dela routine, aura toujours quelque chose de bizarre et d’hybride, qui ne satisfera pas les esprits plus soucieux de vérité que de conservation. — Le traducteur, au contraire, entièrement libre de ses mouvements, s’e1force de se pénétrer du texte, et d’en expri- mer lapensée dans lc langage deison temps : il écrit comme on écrit et comme on parle autour de lui. Sans doute les revisions de 1560, 1588, 1652, 1669, etc., ont amélioré l`œuvre d`©livetan; mais au fond c`était tou- jours la traduction d'©livetan, dont, selon Calvin lui-même, « le langage estoit rude et aucunement eslongné de la façon commune et reçue ». Au milieu du Xi/lle siecle, il y restaitje ne sais quoi de gothique, qui exci- tait la raillerie des lettrés et obligea Claude et ses collègues d’entreprendre une version nouvelle de la Bible, travail dont la Revocation empêcha Pachevement 1. On a pu dire avec raison que nos perpétuelles « revisions de revisions » 2 ont été l’une des causes de l’int`ériorite littéraire de nos meilleurs prédicateurs. C’est cette version servile, conservée plus servile- ment encore, qui :1 donné naissance au style terne, incorrect et sans grace, qu’on nomme style réfugié, un peu a tort, car il date d’avant la Revocation 3. Il sufût d’ouvrir la derniere revision du texte d’©stervald pour y retrouver la plupart des fautes de traduction et de langage évi- tées par Castalion, et qui, tant la routine est forte, sont venues jusqu’a nous à travers la vingtaine de revisions qu’a subies la Bible d’©livetan. VI CONCLUSION La Bible de 1553 et celle de 1555 représententdeux systèmes de traduc- tion 2 l’une est une version littérale; l’autre une traduction veritable, s’atta· chant plus au sens qu’aux mots. De la leurs qualités et leurs défauts res- pectifs. Olivetan et ses reviseurs ont c1·u conse1·ver la couleur de l’original en conservant des tours opposés au génie de notre langue, et se sont trop souvent bornes a calquer le texte, c’est-it-dire a mettre des mots français à la place des mots hébreux, s’inquiétant peu que leur version fût aussi Bible de JI. Ileuss. Bible de Castalion. Si tu peux lui être utile il t'exploite. Si tu lui es profitable il te servira : Si tu es dans le besoin il te laisse la. e si tu as faute, il te laissera. Si tu as de quoi, il vivra à tes dépens, Si tu as de quoi, il vivra avec toi, il videru ton escnrcelle sans scrupule (autre c te mettra en blanc et si ne travaillera version : sans travailler lui-même). point. S’il a besoin de toi il te trompera, Quand il aura faute de toi, il t'abusera : il te sourira, il te donnera des espérances, il te rira e te mettra en esperance, il te prodiguera de belles paroles e te dira de belles paroles. et dira z de quoi as-tu besoin? As-tu de rien faute ? ce dira-il. 1. Voir le soixante-deuxieme rapport de la Sac. bibliq. prot. de Paris. 1883, in-S, p. 11. 2. Préface du N. T. dc Bcausobre et Lenfant, Amst., 1736, in-4, 1, 132. 3. \'0ir la Version rl’OsIe1·valrl et les Soc. bibl., Paris, 1869, in—S, p. 3G, et Sayous, Hist. de la littéral. /`r·. rl l'él2'., ll, ST, 105. .