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Et pourtant il paraît, s’il faut croire le témoignage trop souvent suspect d’un contemporain, que cet inoffensif lettré « sentoit mal de la foy, que c’estoyt luy qui avoit semé l’hérésie à Lyon, qu’il avoit corrompu et gasté plusieurs jeunes hommes de bonnes maisons de Lyon, qui furent les chefs de la révolte de cette ville et avoient tous esté ses disciples, et les avoit dévoyés de la religion de leurs pères »[1].

Cet homme, qui semblait avoir pris à tâche de n’inquiéter personne et qui avait passé pendant trente ans pour un esprit « orné, mais léger[2] », devait périr d’une façon tragique : il fut massacré en 1561 dans une émeute ou la populace — indignée, paraît-il, d’un sacrilège commis par un ouvrier exalté contre le Saint-Sacrement — se dirigea ou fut dirigée sur le collège, qu’à tort ou à raison on signalait comme le foyer de la réforme : les Jésuites se préparaient à y faire rentrer la saine doctrine. « On fit quelques arrestations, mais on relâcha bientôt les prisonniers ; et, tandis qu’on réunissait contre un seul homme la hache, le gibet et le bûcher pour châtier un acte de démence, le meurtre d’un innocent, d’un vieillard, de l’instituteur de deux générations demeura impuni[3]. »

On ne pouvait rien prévoir de semblable à l’époque où Sébastien Chatillon fréquenta le collège de la Trinité. C’est pourtant de là qu’il sortira converti à la Réforme, puisqu’il ne quittera Lyon que pour aller demeurer dans la maison même de Calvin.

Essayons de découvrir ce qui s’est passé en lui et autour de lui pendant ces années de première jeunesse, et, maintenant que nous connaissons ses maîtres, recherchons, à l’aide des rares indices épars dans ses écrits ou dans les documents lyonnais, quelles relations il a pu nouer, quelles ont dû être ses études, ses lectures, ses amitiés.

Plusieurs témoignages s’accordent à nous représenter le jeune homme travaillant seul à Lyon, subissant toutes les privations et endurant bravement la misère, jusqu’au moment

  1. Rubys, Histoire véritable de Lyon.
  2. Rabanis.
  3. Demogeot, dans Lyon ancien et moderne, 418.