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d’Ovide et ne craignait pas, à la suite des trois premiers livres, qui sont de Marot, d'en publier un quatrième, qui est de lui[1]. C’est ainsi qu’il traduisait, également en vers, les Emblèmes ou Entregectz d’Alciat, en s’appliquant, ce qui était si rare alors, à conserver « la briefve tranche des sentences qui poingt l’esprit », à disposer, comme il le dit, « les petites pièces de marqueterie » dont se compose « cet ouvrage bigarré », sous divers titres généraux, « en leur· ordre et assiette, jouxte l’ordre naturel de l’usage commun », afin que chacun y pût trouver, « comme en ung cabinet très bien garni tout ce qu'il voudra inscripre ou pindre aux murailles de la maison, aux verrières, aux tapis, couvertures, tableaux, vêtements, tables, lits et armes[2] ». Il publiait des noëls[3], mettait en vers la chronique locale[4], traduisait des contes grecs et latins[5], s’amusait même à faire représenter des mystères avec chœurs et musique[6], et des satyres françaises[7] que Gryphe ne dédaignait pas d’imprimer.

M. Demogeot, dans sa piquante notice sur le collège de la Trinité, a fait d’Aneau un petit portrait qui mérite d’être conservé : « A une connaissance profonde des lettres grecques et latines, il joignait une élocution facile, un abord gracieux. Il faisait des vers latins durs d'accord, mais ingénieux, des vers français où l’esprit manquait moins que le naturel. Arrivait-il en ville un accident, Aneau le racontait ; un prince, Aneau le haranguait ; une sottise, Aneau s'en moquait ; une fête, il en réglait les préparatifs. Il élevait dans son collège un théatre où les mères venaient pleurer de tendresse aux vers du principal récités par leurs enfants, où les Lyonnais venaient applaudir au jugement de Dame Vérité qui, dans la comparaison de Paris, Rohan, Lyon, Orléans, donnait naturellement la palme à Lyon marchant. »

  1. Lyon, 1549. Roville, préface, p. 7 et 8. Le volume est illustré d'une suite continue de gravures de Gentil Bernard.
  2. Lyon, 1539, rééd. 1559.
  3. Epigrammes sur aulcunes choses mémorables advenues à Lyon audit an 1541.
  4. Alector, histoire fabuleuse traduite en français d'un fragment divers trouvé non entier mais interrompu et sans forme de principe, Lyon, P. Fradin, 1560, in-8 (très rare). « Mauvais roman, dit Bernard de la Monnaie, où de bonnes gens croient voir un sens mystique merveilleux quoiqu’il n’y en ait pas plus que dans les fanfreluches de Rabelais. »
  5. Mystère de la Nativité, imprimé en 1537, Lyon. Sebast. Gryphe.
  6. Lyon marchant, joué en 1541, imp. en 1542.
  7. Dans le volume Lyon ancien et moderne, p. 413 et suiv.