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380 SEBASTIEN CASTELLION· » · Nous voyons donc par ce passage la grande et énorme folie que nous avons faite par cy devant, en contraignant les Turcz a la foy pa1· le moyen de la guerre, en bruslant les hérétiques et voulant réduire les juifz par crainte de mort et autres injures. En ce faisant, nous voulons de toute notre puissance arracher la zizanie comme si nous étions ceux qui ont puissance sur les cœurs et esprits d’autruy de faire retourner les hommes a justice et à bonté!... Ce passage devrait bien espoventer les inquisiteurs des hérétiques et ces meurtriers qui, pour la moindre erreur que leur semble un homme avoir, mettent une personne à mort, je dis qu’ils devraient trembler s’ils n’ont un front de fer, voire combien qu`i|s fussent asseurez d’avoir les vrais hérétiques entre les mains. Mais maintenant, ils bruslent les vrays saincts, et eux-memes sont hérétiques. Pteproduite ai trente ans de distance, cette déclaration de la premiere heure de la Réforme .prenait un singulier relief. Depuis l`époque où il avait écrit ces mémorables pages, Luther lui-même était—il toujours resté fidele it cette doctrine si pure et si simple? Les contemporains savaient bien que non ‘! On ne manquera pas de répondre a Bellius par le change- ment de Luther apres la guerre des paysans. Mais ni Théo- dose de Beze ni Calvin ne parviendront il effacer l’impression de ces pages si vivantes 1 elles sont trOp claires ])0Lll` 110 pas les embarrasser. Leurs plus habiles distinctions 2 n’en atté- nucront pas sérieusement la portee. II P OPINION DE JEAN BBENZ Aussitôt apres l’opinion de Luther, les contemporains de- vaient s`attendre a trouver ici celle de Melanchthon. Aujour- d’hui encore ce n’est pas sans un premier moment de sur- prise (]ll,OI] TCIDZIFCIUO l’tIl)S(3l1CC (10 CC g'l‘CtlI(l 110111 (itIl]S UI1 tèl débat. Et pourtant il faut convenir que les auteurs du recueil avaient raison de I‘c110ncer'ÈLl`invOqLler pour leur cause. 1. Sans doute, Luther écrivait encore en 1530 il Melunchthon qu`i1 fallait à tout prix main- tenir ln distinction du spirituel et du temporel : « non debemus obedire, sed potius mori pro · distinctione servundà isturum administrationum n (de \\'ette, IV, 107), mais, de concession en concession, il.nvnit fini par reconnaître qu’i1 faut non pas tuer, en aucun cas, nulle modo, mais exiler les faux docteurs (de Wette, Ill, 347) ou au moins leur imposer silence: dass sie dns Maul hnllen (ibid., III, _49S). ' 2. Voir Trailté de l'rzuth07·ilé du magistrat, p. 46-17, 316-317.