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OPINION DE LUTHEIL 377 appaisee, et se contenter (veu mesmement qu`on ne luy oste rien) et ce pendant se soucier de ses affaires, permettant ai un chacun de croire comment il voudra, ou pourra, sans contraindre personne a la foy. Davantage rien ne doit estre plus libre que la foy et religion,51 laquelle nul ne peut estre contraint par force, d’autant que c`est une œuvre divine du sainct Esprit, tant s’en faut qu’aucune force humaine la puisse- faire ou exprimer. De la vient ce commun dicton, duquel sainct Augustin. aussi a use : A la foy nul ne doit, ne peut estre contrainct. Mais ces mise- rables et aveugles ne voyent point combien vains et infirmes sont leurs efforts; car qu’ils commandent fort et enragent tant qu’ils voudront, si ne sauroyeut ils contraindre les hommes plus outre en les persecutant, que de tirer quelques parolles de leurs bouches, ou leurs faire faire . quelque chose corporellement. Mais quant au cœur, ils ne le sauroyent contraindre, mesme quand ils enrageroient, et creveroient de despit, comme ce proverbe dicton commun est bien vray : Que les cogitattions des hommes sont ezrcmptes de gabelles *. Mais pourquoy contruignent-ils donc les hommes a croire de cœur, quand ils voyent bien que cela ne se peut faire? Pourquoy contraignant-ils les consciencesimhecillesa mentir, a renier Christ, et parler autrement qu’ils n’ont en leurs cœurs, se char- geans ainsi des faits et pechez d’autrui‘? Car quelconque mente1·ie, ou fausse confession qu’ils font, tombera sur les testes de ceux qui les ont ' contraincts. Et eust este chose beaucoup plus seure, de laisser leurs sub- jects s’esgarer simplement du vray but, que de les contraindre at mentir, et faire telles confessions forcées. C’était bien lit, comme le dit un des biograplies modernes de Luther ’, poser les principes mêmes de la liberté de con- science en établissant entre les deux domaines une ligne de démarcation dont les catholiques n’avaient jamais entendu- . parler. Il explique ensuite comment a pu se faire cette étrange confusion de domaines et de pouvoirs : les évêques ont voulu se faire princes, et les princes évêques 1 << Ceux qui devaient repaître les povres ames de la parolle de Dieu ont ` occupé par domination externe les chateaux, villes, provinces et peuples. Ceux qui devaient régir leurs subjects par lois justes et équitables veulent tout au rebours dominer sur les cœurs et consciences. » Voila comment les choses saintes sont mêlées aux profanes, au dét1·iment des unes et des autres. La conclusion est un appel non déguisé it la résistance : Si ton Prince donc, ou Magistrat seculier commande que tu croyes ainsi ou ainsi, ou que tu rejectes les livres de la saincte Escriture, il 1. Gednnken sind z0lll’rei. 2. Kôsllin, I, 691.