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LE « TRAICTE DES HERÉTIQUES >> DE MARTIN BELLIE. 363 vaincre. Il n’a garde de faire rire des abus, des préjugés, des folies sanglantes du siecle; il ne lui suflit même pas d’y répondre par un éclat d’indignat·ion; il veut de sang-froid prendre l'adversaire corps a corps, discuter point apres point · les arguments séculaires de l’intolérance, arguments tliéoloè giqnes, historiques, politiques, et faire voir clair au peuple dans une question que nul n’a osé encore aborder de front. Cette question complexe, extraordinairement périlleuse, puisqu`e`lle touche tout ensemble aux prérogatives les plus cheres de l'Eglise et de l`Etat, il va no11 pas la trancher, mais la resoudre pa1· voie de controverse régulicre. Ce n’est pas de la polémique, c’est de la dialectique. L’allégorie qui a servi d’entrée en matiere n’cst pas un artifice littéraire, une boutade piquante. On va y revenir, Fapprofondir et en fai1·e jaillir hardiment des clartés inattendues. Sous cette méta- phore qui est plus qu'ingcnieuse, se cache toute une argu- mentation populaire qui va se déployer, lourde, lente, minu- · tieuse, nous semble—t-il peut-être [Il1_lOU1`(l,l1lll, mais vraiment nécessaire alors, pour faire entrer de force dans des esprits si prévenus, 1101] pas une vague et passagère impression, mais une conviction réfléchie : Je te prie, 'l`res illustre Prince, que penses-tu que fera Christ, quand il viendra? louera il ces choses? les approuvera il? _ Considère un peu ceste affaire, je te prie, en la manière que s’cnsuyt : ' Prends le cas que quclcun soit accusé en la ville de Tubinge par · quelque autre, lequel vienne a parler ainsi de toy : << je croy que Cliristofle « est mon Prince, et veux obéir a lui en toutes choses : mais ce que vous « dictes, qu’il viendra sur un chariot,jc ne le croy point : mais je croy « qu’il viendra à cheval. ltem ce que vous dictes, qu’il est vestu de rouge, « je ne le croy pas, mais je croy qu’il est vestu ·de blanc. Et ce qu’il a « commandé, que nous nous lavions en ce fleuve, je croy qu`il faut faire « cela apres midy, et vous devant midy, Si je pensoye qu’il voulust que je « me lavasse devant midy, je le feroye, mais je crain de l’ofl“enser, et « pourtant veux je faire selon ma conscience >>. Je te demande, 0 Prince, voudrois tu condamner un tel tien citoyen! Je ne le pense point. Et si tu estois present, tu louerois plus tost la sim- plicité et obéissance de cest hommela, quetu ne condanmerois l‘ignorance. Et si les autres le mettoient a mort, certainement tu les pnnirois. Or prens ce cas ainsi. Il y a quelque citoyen de Christ, lequel parle de· lui en ceste maniere : « Je croy en Dieu le pere, et en Jesuchrist son « ûlz, et veux vivre selon ses commandemens, qui sont contenus en la « saincte Ecriture; mais ce qu’il a commande que soyons baptisez, je croy