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LE SUPPLICE DE MICHEL SERVET. 353 cause de religion. On s’est borné a enfermer les délinquants, sans dureté, dans un lieu où les ministres et les gens de bien allaient les voir et tachaient de les ramener avec humanité. Nous—mèmes a Berne, frappés de tant d’exemplcs de cruauté, ` nous commençons a nous adoucir ». Et il rappelle à Calvin la violence effrenée des anciennes querelles théologiques qui ont failli faire éclater la guerre, et cela, ajoute-t-il en homme sensé, pour des questions « qui etaient non pas le cœur de la religion, mais ai peine son écorce ». La lettre, avec l`abandon d’une véritable causerie, se ter- mine par quelques anecdotes qu’il laisse Calvin commenter tout bas : « Musculus - (le même pasteur dont nous venons ` de lire un fragment) — m`a raconté qu’a Aug·sbou1·g, on avait mis ·en prison deux anabaptistes tres obstinés qui d’abord accueillirent les pasteurs par les plus grossières injures; puis, peu apeu touchés par la mansuétude des ministres qui supportaient patiemment ce torrent d’out1‘ages, au bout de deux ans, ils revinrent si bien a de meilleurs sentiments que l`un d’eux devint diacre de l’Église et l’autrc un des ' meilleurs citoyens de la ville ‘. — Moi-même, apres une sen- tence contre des anabaptistes j’ai entendu un des juges reve- nant du lieu du supplice dire : « Ce malheureux a tendu sa « tete au bourreau avec plus de sérénité que je n’en aurai << peut—etre sur mon lit de mort, moi qui l’ai condamné » ’. Il ne conclut pas. Il n’a voulu que confier ai Calvin ses appré- hensions, lui. confirmer qu’il y a nombre de gens de bien que cette doctrine effraye, autant qu’elle va réjouir les papistes : « Nous avons maudit leurs cruautés et nous rétablissons chez nous les exécutions sanglantes “! » Il ne se dissimule pas la portée de ces reproches indirects: il se gardera bien de les livrer au public. Et il clôt l’entre- tien sur ce mot dont la calme fermeté n’était pas sans doute pour rassurer Calvin : « Je ne dcscendrai dans l’arène que si ma conscience Ill`}" force. .l’aime mieux rester muet, aussi 1. Musculus lni·même confirme ces details et en ajoute d`nutres pleins d'intéret dans le post-scriptum de sa lettre ii Bluurer du 27 fév. 1554. (0pp. Calv., XV, 47, 4S.) 2. Ce mot ne rappelle-t-il pas celui de Sndolet disant des malheureux Vaudois qu`il voyait massacrer : « Ces gens-là sont meilleurs chrétiens que nous » ‘! ` 3. « Novam ipsi putiamur et domesticum repullurare curuiücixmm. » 23