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toujours méconnus[1], mais les échevins avaient tenu bon. L’un d'eux était un homme considérable, aussi célèbre alors qu’oublié depuis, Symphorien Champier, auteur de plus de cinquante ouvrages et, ce qui vaut mieux, fondateur de plusieurs établissements utiles, notamment de l'école de médecine ; ce fut lui qui, «  regrettant de voir mourir l’exercice des bonnes lettres en cette ville et s’efforçant l’y ramener[2] », prit une part décisive à la fondation du collège : il obtint l’assentiment de l’archevêque François de Rohan, moyennant que le choix du recteur fut soumis à l’approbation épiscopale. Le consulat de son côté donna tous ses soins au collège naissant, agrandit les locaux, institua quatre classes, établit une rétribution scolaire (2 sols 4 den.) et appela des professeurs, dont quelques-uns avaient déjà ou eurent bientôt de la renommée.

Le collège avait eu pour premier principal un Lyonnais, Guillaume Durand : une poésie de Gilbert Ducher donne à entendre que c’était un homme de mérite que la pauvreté avait étouffé[3]. C'était, tout au moins, un estimable professeur, un de ces maîtres qui créaient tout naturellement à Lyon la méthode nationale, celle de l'enseignement simultané du francais et du latin, détruite quelques années après par les Jésuites. Le seul opuscule que nous connaissions de Guillaume Durand est une édition toute scolaire du Libellus de moribus in mensa servandis de Jean Sulpicius Verulanus, cum familiarissima et rudi juventuti aptissima elucidatione gallico-latina Gulielmi Durandi. La préface, datée du 1er août 1542, est vive, brève, d’un latin élégamment aisé. Elle est adressée à Étienne Dolet, pour qui Durand marque une admiration courageuse : le livre parut au moment même de l'emprisonnement du malheureux imprimeur, et toutes les rééditions publiées dans les années suivantes[4], même après que Dolet eut été brulé et son nom livré a la réprobation publique, reproduisent cette préface hardie.

  1. Voir quelques détails intéressants dans l'Étude historique sur la Réforme à Lyon, par M. Moutarde, in-8, 1882, p. 41.
  2. Histoire de l’Université de Lyon, par Lazare Meyssonnier.
  3. Gilb. Ducher, Epigrammata, p, 11.
  4. Voir Répertoire des ouvrages pédagogigues du XVIe siècle, au mot Sulpicius, et le beau volume de M. Christie (trad. Stryienski), Étienne Dolet, p. 518.